dimanche, décembre 26, 2010

Le lien de Calamité

Je suis damnée? Il m’est curieux de remarquer que je l’ai toujours su. Mais bon... j’ai constamment été captivée par le Mal, je n’ai jamais eu peur de lui. Je sais où est le bien, je sais où est le devoir. J’ai conscience de ma causalité à cette race de malades qu’est devenue l’humanité.

Je connaissais déjà la réflexion qui aboutit directement à la conclusion logique. Je suis damnée. Ce corps étendu devant moi me le crie. Le sang qui jaillit de son crâne, les vêtements en lambeaux, le parfum de la peur et de la mort… l'arôme amer et âcre de sa frayeur et de sa décadence. Il avait sollicité, pauvre âme mortelle et déshéritée, à me guider sur sa route, vers ces illusions froides.

Ma race est maudite. Mes congénères ne cherchent qu’à s’anéantir. Et il en sera ainsi pour l’éternité. Cette éternité que je passerai à voir le Mal bouffer les hommes comme une pourriture scrofuleuse. Les humains. Pauvres aliénés. Pauvres dépouilles sous-évoluées, incapables de sentir leur propre calamité. Cherchant à édifier, cherchant à berner.

Ce pressentiment qui me fait réaliser que j’ai moi aussi été obscurcie. Pauvre folle. Croire en l’amour. La voici, la belle passion. Allongé sur le dos dans une arrière-cour dégoûtante, son sang coulant jusqu’aux égouts où il se mélange aux excréments de ses semblables. Eaux usées par des parasites. C’est ça le beau tombeau dans lequel tous les beaux raisonnements de l’humanité t’auront conduit.

Pauvre fou. Que croyais-tu donc? Qu’en m'entraînant ici loin de tes semblables? De me soumettre à ta volonté? Pauvre fou. Croyais-tu vraiment que la force saurait mériter ce que ta douceur n’avait pas pu obtenir? Pensais-tu vraiment que à toi je te donnerais ce que tant d’autres n’avaient pas eus? Jamais mon intégrité ne sera ébréchée.

J’aperçois des segments de ton visage. Un œil relaxe près de mon pied. Un œil qui m’observe, farci d'effroi et d'ignorance. Je lève un pied, le pose sur l’œil qui me fixe, cachant le regard de terreur. Je laisse le poids de ma jambe se poser dessus. Je ressens une résistance. J'accrois le poids. Un plaisir me parcourt.... Je sens le globe éclater. Un bruit doux, humide, accompagne l’adorable sensation.

Je ressens le désir d’achever la scène. Le cadavre est trop humain, trop entier. Je sors de ma poche un couteau. Je lacère le corps, je plante la lame, qui pénètre sensuellement dans la chair. Je jette le couteau et je baigne mes mains dans les entrailles chaudes de celui qui fut mon grand amour. Mais l’amour... n’est qu’une aberration.

Je m’allonge sur le sol, je me sens si fatiguée! Je ferme les yeux. Dans sa lutte contre la mort, il avait appuyé sur la gâchette de son arme. La même avec laquelle je lui avais brisé le crâne. Je vois que mon ventre est transpercé. Je sens mon corps trépasser, lentement puis, rapidement. Mes yeux obscurcis se tournent vers LUI...

Karole McDowell 2010 - (c) Toute reproduction est interdite sans l'autorisation de l'auteure.

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